(20/01/2023 – FLAU / Bigwax Distribution – éditions Ici d’Ailleurs)
Après un Shimmering chez Mind Travels / Ici d’ailleurs fort apprécié (et repris par Vanessa Wagner), le pianiste et compositeur rennais signe un nouveau disque, cette fois sur un label japonais. La très mélodique A Song est d’ailleurs dédiée à Ryuichi Sakamoto. La vitalité de Perpetuum Mobile ou le côté pop de Five cohabitent dans un subtil équilibre avec l’audacieuse lenteur de Choral, les cycles agités des sept temps de Ritornello ou la simplicité de Prelude. Bande sonore de nos brefs manques d’attention à la réalité, c’est une musique née et conçue pour rêver…
« Supergroupe » au nom clin d’œil à celui de 4AD, This Immortal Coil est un hommage au duo Coil imaginé par Stéphane Grégoire à la mort de Jhonn Balance. La disparition de Peter Christopherson et des rencontres avec des musiciens ou des signes du destin lui ont donné envie de donner une suite à l’aventure, 13 ans après The Dark Age Of Love. Déjà présents sur celui-ci, Matt Elliott et Christine Ott sont ainsi rejoints par David Chalmin, Shannon Wright, les italiens Zü, les norvégiens Ulver, Orchard (autre « boys band » du label avec Aidan Baker, Gaspar Claus et des musiciens de Chapelier Fou et Zëro), ou le prometteur Aho Ssen. D’excellents guides pour entrer dans une création d’une impressionnante richesse…
Une volonté de cassure, de nouveau départ (mais sans illusion quant à la possibilité de se renouveler totalement) a guidé le musicien Toulousain, passé entre autres par Diabologum et Experience, à choisir de sortir de la formule duo de ses derniers albums. S’il retrouvera son complice le batteur Julien Rufié sur scène, le live se fera en trio avec la guitariste Manon Labry, mais ce nouvel album lui est solo, comme au temps de Peter Parker Experience. Donc avec des boites à rythmes et des sons électroniques, mais toujours autant de guitares tranchantes. Nous embarquant à bord de [S]on ambulance lancée à plein gaz, Cloup fait montre d’une belle énergie dans le Lâcher prise, reste fidèle à ses thèmes de prédilection et son phrasé reconnaissable entre tous tout en montrant que Vieillir n’est pas forcément renoncer. Osant finir par une relecture de L’Internationale, Michel Cloup ne fait pas table rase du passé mais s’offre mieux qu’une pirouette pour retomber sur ses pieds. Un backflip.
La solitude pousse-t-elle à partir à la rencontre de l’autre ? Toujours seule en scène, la Nantaise Suzy LeVoid explique combien la découverte d’une altérité nourrit sa création, au point d’avoir choisi pour ce deuxième album toujours anglophone un titre en allemand, accentuant la distance avec cet étranger dont il est question. On n’a pourtant pas l’impression qu’elle est seule, tant ce nouvel album est riche. Il parvient à s’appuyer sur les solides bases du premier (celles d’un rock abrasif aux fureurs jamais gratuites et sachant aller à l’essentiel sans s’assécher), pour s’ouvrir. S’ouvrir à d’autres styles (Not The End lorgnant vers une pop urbaine où on ne l’attendait pas), à d’autres sons (gimmicks electro entêtants de Sleeping Dog, nappes oniriques de The One That Loves), d’autres façons de faire cheminer rythmes et ambiances (I Belong To The Dead, Did We Ever), à un calme certes toujours inquiet (The One That Kills), à la lenteur même (poignant The Path), voire à une impressionnante amplitude vocale (Unbeknownst). A l’instar de l’introductif Ones, il y a souvent plusieurs facettes dans les créations de Miët, aucune ne laissant deviner quelle sera la suivante, comme dans une rencontre où le premier regard ne saurait suffire si le sujet est digne d’intérêt. Un concept illustré avec brio par le saisissant visuel de cet album : on n’a pas fini en somme, de faire le tour de la question.
(23/09/2022 – Mind Travels / Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)
Suite directe du Drachen également paru sur la collection Mind Travels dédiée aux musiques instrumentales (ambiant, indus ou disons un peu à part), le nouvel album du Nantais expert en paysages sonores est certes « électronique », mais l’ensemble des sources sonores est acoustique. Sans doute cela ajoute-t-il au pouvoir d’évocation narratif de chacune de ses pièces, enrichies d’une large palette d’instruments percussifs. Transe inspirée du Moyen-Orient (Seuil 3, Seuil 6) ou timbres évoquant l’Asie du Sud-Est (Seuil 8) entre autres permettent de voyager loin sitôt franchie la porte de ce disque étonnamment facile d’accès, promesse tenue pour le nouveau chapitre de cette passionnante collection.
1997, le label Ici d’ailleurs prend son envol et se prépare à publier Le Phare de Yann Tiersen, troisième album qui sera celui de sa reconnaissance auprès du grand public. Afin de le promouvoir on avait alors décidé de sortir une petite compilation hors commerce et destinée aux professionnels, regroupant des morceaux des trois premiers albums et trois autres titres ne figurant sur aucun d’entre eux. D’abord Avant la chute, face B d’un 45 tours offert ponctuellement avec l’album Rue des Cascades. Ensuite Avant qu’ils arrivent, issu de la compilation de l’association Sine Terra Firma titrée « Ici, d’ailleurs… » et qui donna son nom au label. Enfin La vie rêvée, créé pour la bande originale du film La vie rêvée des anges. Avec la référence IDA 000, Avant la chute était donc resté entre les mains de seulement quelques personnes. A l’occasion des 25 ans du label Ici d’ailleurs, nous avons eu envie de témoigner par cette petite compilation de toute l’étendue du talent de notre toute première signature Yann Tiersen, qui encore à ce jour avec l’album 11-5-18-2-5-18 (chez Mute) nous démontre son insatiable créativité sans cesse en évolution. Le bon moment nous semble-t-il pour la rendre disponible pour ses nombreux fans.
(17/06/2022 – Ici d’ailleurs / Alter K Distribution)
Le valentinois confie à quelques camarades électroniciens choisis avec goût les titres de son dernier album Akene. Tandis que le poignant Faillite est mystifié par Pavane, Rrobin déjà expert de l’exercice consistant à dresser des ponts avec l’Afrique émancipe Mahalia Dooyoo, revisitée plus loin dans une optique house très différente par les parisiens de Pardonnez-nous. Mathieu Malon aka Laudanum fait un Plein de super du côté de Bristol, l’ingé son de la bande s’amuse avec Camion sous le pseudo de Colonel Winter, I Am Sparrow (batteur de La Maison Tellier) emmène Les Loups dans un cosmos entêtant, et le beatmaker lyonnais Twami pousse un peu plus loin la sensualité reggae de La Séduction. Alors, pas dansant Gontard ?
(25/03/2022 puis LP 20/05/2022 – Mind Travels Series / Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)
Interprète engagé du répertoire contemporain (de Gérard Pesson à Giuliano D’Angioloni), collaborateur apprécié d’autres musiciens (Will Guthrie, Sylvain Chauveau…) mais aussi d’artistes visuels, le pianiste Rennais est également compositeur, avec à son actif quatre albums chez Another Timbre (UK) et Elsewhere Music (USA). Adepte au départ d’un certain minimaliste, il s’éloigne désormais des compositions « algorithmiques » de ses débuts pour aborder un registre plus intuitif, voir plus pop. Les titres de ses pièces en disent déjà beaucoup sur un répertoire qu’on rapprochera entre autres de Philip Glass ou de Ryuichi Sakamoto : Shimmering (« chatoyant »), Mantra, Stellaire, Dérive… et Six + Six comme un coup de dé gagnant pour ce nouveau chapitre hypnotique de la collection Mind Travels.
Le duo formé par JB Hanak et son frère Fred n’est malheureusement plus depuis la disparition de ce dernier en 2018. Mais tandis qu’un roman largement autobiographique retrace les aventures de tournée de ces « moutons noirs de la French Touch » (Sales Chiens), Ici d’ailleurs re-sort en CD et double vinyle le disque qui leur avait ouvert les portes d’une carrière internationale. Mélange foutraque de leurs influences rock et hip-hop, ce 3e album n’est pas l’invention d’un savant fou (le Dr Aguuev) et de son copain déguisé en singe, mais l’artwork imaginé par Raoul Sinier et décliné en clip pour Pressure est superbe, et ce son millésimé 2004 (vraiment ?) pourrait presque faire douter. Abrasif, chaud, et complètement à part.
(Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution – 12/11/2021)
Tombant de plus en plus le masque, Gontard nous entraine dans une sorte d’épopée-western, de vadrouille sur la Nationale 7, hommage à une époque où le Valentinois puise l’essentiel de ses références musicales, littéraires et cinématographiques soit grosso modo la période 75-85, celle d’un monde plus balisé. Ce qui ne l’empêche pas, au contraire, d’élargir sa palette musicale avec le reggae La séduction ou les touches « world » de Mahalia Dooyoo. On attaque avec un Plein de super en bande de potes autour d’Akene Guetno et son Anémone belle comme un Camion, mais comme toujours avec Gontard, le léger ou faussement léger (Homme perdu) côtoie le touchant (La chansons de Cédric) voire le poignant (Femme d’entretien, Faillite). Ce voyage dans le passé lui aurait-il fait oublier le propos social voire politique tenu jusqu’ici sur le présent (Repeupler…) ou sur l’avenir (2029) ? Au contraire, il y puise la force de penser que Le vent sifflera trois fois car on sait « que nous sommes ensemble et qu’ils sont tout seuls », et que « Les loups c’est nous ». Même avec un masque de lapin.