De cette rive là on n’aperçoit guère que la lointaine silhouette d’un continent qui pourrait s’appeler Manset, et le contour incertain d’îles amicales du nom de Facteurs Chevaux ou Lou… Si on ajoute que le duo La Rive ne donnera pas de concert, on goûtera chaque chanson comme ce qu’elle est : un instant précieux et hors du temps.
C’est un retour inespéré que signe là ce groupe culte de la pop indé made in France des années 90/2000. De superbes singles (Gravity, The Obnoxious Two…), une paire de reprises (Bus de Dogbowl, Siamese Twins de Cure), des références malignes aux précédents disques (Love Commander Strikes Again ou le titre de l’album lui-même) : toujours épaulé par Mitch Pirès à la batterie et désormais par le multi-instrumentiste Tom Rocton, Christian Quermalet ajoute un chapitre magistral à une discographie déjà exemplaire. De quoi décrocher enfin le pompom ?
En choisissant d’appeler son 3e album par le nom désignant la « région des fièvres » d’Afrique du Sud, vastes étendues semi-désertiques et peu hostpitalières, le trio lyonnais y a surtout vu la métaphore d’un espace propice à la confrontation à soi. Expulser ses démons, vaincre le doute, se construire, devenir meilleur. Si les ombres de Suuns, Liars, Digital Mystikz ou EZ3kiel ne sont pas loin, leur musique hybride entre rock puissant et production électronique trace par essence sa propre route, aidée ici par quelques featurings vocaux de choix comme le français Sylvain Ferlay sur « Control » ou le duo anglais Legion of Goon (monté par Stig of the Dump, complice de Rag’n’Bone Man) sur l’abrasif « Shake Out ».
Epaulé par les deux complices qui l’accompagnaient déjà sur scène (Laurie Mammoliti et Frantxoa Erreçarret), le bassiste-chanteur parisien revient avec un second album d’où émane la sérénité et la force de ceux qui savent où ils vont. S’il emprunte par moment les chemins de Daho, de Bowie, de Souchon ou de Costello, Alain Gibert trace sa propre route. De la cold-pop d’Opération Topaze au presque-reggae Alibi en passant par l’évidence des Baigneuses, c’est avec constance et talent qu’il creuse son sillon. Son canyon.
Ses collaborations avec Virginie Despentes lui ont donné un petit coup de projecteur, mais le trio lyonnais trace sa route sans se poser de questions, construisant avec ce nouvel album une espèce de monstre foutraque, chaud, inquiétant, roboratif et finalement riche de tant de facettes que chacun pourra y trouver sa propre porte d’entrée.
Les ex Sound Sweet Sound préparent un premier album attendu à l’automne et dévoilent d’ici là de premiers titres abrasifs et sombres (I Can See et son clip). Avec une solide réputation scénique à découvrir à Bourges dans les Inouïs rock pour lesquels les toulousains ont été retenus.
Le saxophoniste Daniel Paboeuf est une figure de la scène rennaise (satellite permanent de Marquis de Sade, impliqué sur les premiers Daho ou Niagara ou croisant plus récemment la route de Laetitia Shériff) et bien au-delà (souvent crédité chez Dominique A entre autres). C’est pourtant avec une gourmandise presque juvénile qu’il mène son DPU avec ses complices Mistress Bomb H, David Euverte et Nicolas Courret (Eiffel) : des chansons et des instrus sans frontière de style, pour une musique foutraque et groovy qui n’hésite pas à partir à l’aventure.
Huit ans après « The Dark », Matt Elliott réactive son projet d’origine, à des années lumières de ce qu’on connait de lui en solo. Trip-hop écorché, dark drum & bass, électro-noise : qu’importent les étiquettes, cette musique instrumentale et bruitiste n’est pas faite pour l’ouverture, elle est faite pour vous enfermer. Entouré cette fois de David Chalmin, Raphaël Ségunier (tous deux investis déjà sur ses récents projets solo) et de Gaspar Claus, le bristolien de Nancy offre avec « Wake The Dead » une œuvre dont l’abstraction, la déconstruction des repères et finalement le refus de toute logique constituent un surprenant et réconfortant appel au lâcher prise. Réveiller les morts n’est pas une affaire de sens, mais de sensations.
Exilé de longue date au Québec, il fut le percussionniste et sans doute le membre le plus barré du groupe Karkwa. Découvert ici en 2015 avec son remarquable 2e disque solo Valse 333, Sagot n’a pas son pareil pour projeter l’auditeur dans un ailleurs psychédélique et poétique. Décloisonnant les genres sans complexe, il dresse des ambiances, laisse exploser le vacarme libérateur, tisse des rythmiques surprenantes, impose des boucles imparables (« Désordre et Désordre »), pousse chaque idée au bout avec justesse. Un pas de côté singulier et passionnant pour la chanson francophone, merci Montréal.
Le valentinois se cache toujours derrière son masque de lapin, mais il est désormais en groupe : on dit quoi pour les lapins, « meute » ?!? En tout cas il ne mâche pas ses mots pour brosser un portrait de ce pays, de « l’échec global que représentent nos vies seules et ensembles sur les réseaux, les amours en plastique, l’arrogance de la masculinité et les tentatives de réconciliations avortées », dans une grande parade où guitares et cuivres n’hésitent pas à résonner avec un surprenant entrain. La délicieuse lucidité de ceux qui partent bille en tête et s’amusent autant qu’ils contestent. « On veut pas devenir centriste » clame-t-il. Pas de risque.